File:144 - Lettre du Commandant du Crest en Indochine de l'armée française concernant la morte de Raymond Traumann le 23 Janvier 1946.pdf: Difference between revisions

S.P 70681 - 23 Janvier
Monsieur

Je pense que par la voie officielle vous aurez été avisé avant l’ar-
arrivée de ce mot , du malheur qui vous frappe, mais je veux sans attendre
vous expliquer au nom de ses camarades et au mien, nos bien vives con-
doléances et vous donner les derniers détails de la mort de votre fils.

TRAUMANN a été tué à l’ennemi le 18 Janvier à 8 heures du matin,
étant tombé dans une embuscade qui a coûté également la vie à l’adju-
dant LUTTENHANER qu’il accompagnait.

Votre fils était mon chauffeur , mais ce métier à son avis ne com-
portait pas suffisamment de risques, aussi vo ulait-il effectuer chaque fois
qu’il le pouvait les missions de liaison les plus difficiles.

A notre arrivée dans notre nouveau poste le I° Janvier je dus le
détacher avec son auto à la disposition d’un bataillon. Il en fut en-
chanté, car il allait pouvoir se battre et tout joyeux il partit. Pen-
dant quinze jours, il exécuta de nombreuses missions périlleuses, tou-
jours content.

Le 18 Janvier au matin, le Chef de poste de Soc-Trang (chef-lieu
d’un Provence située aux bouches du Mékong) apprenait que des rebelles
se trouvaient à quelques kilomètres de là. Il décidait d’y envoyer une
patrouille avec deux automobiles. Votre fils toujours volontaire se pré-
sent avec son auto et embarqua le chef de section.

Malheureusement les renseignements n’étaient pas très exacts et une
embuscade était tendue à 2 kilomètres avant le point indiqué et où de-
vient se trouver les rebelles.

TRAUMANN, en tête comme à son habitude, fut subitement accueilli
par une rafale d’arme automatique.

L’adjudant LUTTENHANER à ses côtés était frappé à mort ainsi que
votre fils. Il eut cependant le courage d’accomplir son devoir jusqu’au
bout et arrêta son automobile puis s’écroula sur son siège, mort.

Je savais pourvoir compter sur lui et connaissais son héroîsme, aussi
suis-je fier de pouvoir vous citer son dernier geste, par lequel ils trouvèrent
deux cadavres de soldats japonais, purent ramener les corps de leur chef
et de votre fils.

Il a été ramené à Can-Tho et enterré dans le cimetière militaire près
ses camarades et de son colonel tué également à quelques jours d’in-
tervalle dans une embuscade.

Le pasteur du régiment était présent à Can-Tho à ce moment et lui
rendu les derniers devoirs funèbres.

Je l’ai fait ramasser les affaires personnelles de votre fils et vous
les fait envoyer par le service des successions espérant que vous pour-
Rez les recevoir bientôt.

Si votre douleur peut en recevoir quelque consolation, sachez que
TRAUMANN était très aimé de ses camarades et très estimé de ses chefs.
Très vif, plein d’esprit, toujours souriant, il respirait la joie de
vivre et faisait plaisir à voir au volant de sa jeep, roulant à grande
allure et sans souci du danger. Sous sa désinvolture apparente, on
sentait une âme et ses derniers moments nous en ont apporté la preuve.

Il fait l’objet d’une proposition de citation que je vous ferais
addresser dès qu’elle sera publiée.

Veuillez croire onsieur , à la part que nous prenons à votre deuil
et agréer l’assurance des mes bien tristes sentiments.

Signé  :

Commandant du Crest

S.P. 70.681